vendredi 8 avril 2011

Les ordures ménagères...

Où l'on reparle de derichebourg... Dans une bien belle enquête qui commence a se diffuser sur les forums...

Quelles reflexions inspirent un tel travail ? Que derichebourg, véolia et sita n'ont pas de problème avec les élus puisqu'ils les achètent ! Que lorsqu'un scandale éclate ces industriels adeptes de la corruptions des élus et les élus corrompus sont à peine punis (0,4% du chiffre d'affaire pour entente sur les prix pour des montant de marchés de 25 millions d'euros)...

En fait lorsqu'ils sont pris la main dans le pot de confiture ils n'ont de cesse de répéter comme les enfants : promis je recommencerais plus... Et quand on en reparle des mois plus tard en s'interrogeant de manière soupçonneuse ils jurent croix de bois croix de fer que ce sont des pratiques qui n'ont plus cours...

En fait au final qui paye tout ça ? la collectivité ! Moi, vous, tout passe dans nos impots sans que l'on sache vraiment ce que coutent le traitement de nos ordures ménagères....

On nous propose des poubelles intelligentes qui pèseront nos ordures afin que chacun paye ce qu'il consomme.... Ah Ah Ah la belle affaire... Outre que cela détruit la notion de collectivité et de solidarité que l'impôt induit par nature, il est bon de savoir que dans les campagnes ont s'est remis à bruler les plastiques pour payer moins cher ce qui ne cesse d'augmenter au pays où seuls les salaires n'augmentent pas... (allez une petite pensée pour total et ses 10 milliards d'euros de bénéfices non imposés, voir mediapart aujourd'hui)

Alors, les politiques, pas responsables ! La corruption ? Pas responsables ! les ordures ménagères ? Pas responsables... Ce qui se lit dans l'enquête de Marianne est bien la collusion des politiques, de leurs familles avec les grands industriels que sont les véolia, sita, nicollin, derichebourg etc...

Ce qui se lit est bien l'acceptation des populations a cet état de fait (à part deux ou trois francs tireurs)...

L'affaire des gaz de schistes dont les forages vont bien avoir lieu n'en déplaise à ce pauvre boorllooo qui vient de retourner sa veste en laissant tomber encore des liasses de biffetons, (quel maladroit celui là) montre bien que passé un certain niveau de €€€ ou de $$$$$ ont peut bien se réunir et militer rien ne change...

Ca me rappelle ce charmant garçon que j'ai interviewé dans la vallée du rhône à proximité du site de tredi, rhodia et gde... L'association milite depuis des années pour avoir un suivi environnemental de la zone et depuis deux ans contre gde... Compte tenu de tout ce que ces populations ont pris sur la figure et dans les poumons depuis des décennies, vous vous rappelez Nicoalt Hulot et Rhone Poulenc !!! Miam Miam ! Et bien il y a une rue là bas que tout le monde appelle la rue des cancers !

Et bien personne ne bouge, on agite un peu, on s'embrouille sur des détails, on cherche des poux à ceux qu'on peut emmerder parce que les gros sont bien trop gros, bien trop marié avec les politiques, on se donne ainsi bonne conscience et on crève, comme tout le monde... Rue des cancers...

J'ai un documentaire sur les Nimby sur les bras, je sais plus trop par quel bout le prendre pour l'instant parce qu'il génère plus de questions que de réponses... Mais je vais bien finir par trouver...

Alors nous les Nimby, on des idéalistes ? des utopistes ? des acteurs clés de la démocratie locale ? des naifs ? des citoyens opportunistes ? des mythomanes ? des coyotes hurlant à la lune une grosse pierre sur la queue ? des manipulateurs d'élus pour être calife à la place du calife ?

Bon je continu de réfléchir...







Allez, lisez ça c'est bon pour le moral !


Marianne > Samedi 5 Mars 2011 > Magazine enquête

Le monde merveilleux des ordures

Goinfrés d'argent public, les géants privés de la collecte, du tri et de la valorisation des déchets se partagent en toute opacité un business qui ne sent pas la rose mais qui vaut de l'or.

Tourner les talons ou tourner de l'oeil ? Convenons que les ordures, observées d'un point de vue industriel, ne suscitent guère plus d'enthousiasme, chez une personne normalement constituée, que le secret des pompes funèbres ou les remèdes contre l'incontinence chez les personnes âgées. Il est pourtant utile de dépasser une aversion naturelle pour plonger dans les poubelles. Car, à l'abri du dégoût et de la mauvaise conscience, prospère une florissante économie qui tente de se repeindre en vert mais ne sent pas la rose.

La Cour des comptes, une fois, y a risqué ses délicates narines. Telle une vieille rombière, elle a traduit ses constatations de manière exquise, mais le message est sans ambiguïté : ça refoule ! Extrait du rapport 2003 : « L'analyse des conditions de mise en concurrence des prestataires susceptibles de contracter avec les collectivités territoriales montre que, même lorsque le formalisme est respecté, la concurrence effective est faible. Dans ce domaine très technique, elles ont rarement les moyens de négocier les contrats et leurs avenants dans une situation d'égalité avec de grands groupes industriels. Il serait souhaitable que les administrations concernées élaborent des contrats de référence qui soient des guides pour la négociation des principales clauses des contrats. » Il serait souhaitable...

Concurrence faussée

Depuis la publication de cette recommandation, le marché des déchets croît et prospère, les actionnaires des géants privés de la collecte, du tri et de la valorisation se repaissent d'argent public, mais l'Etat se tient prudemment à l'écart d'un secteur qui mériterait de changer d'atmosphère. Alors, faut-il vraiment s'étonner de l'expression « vaches à lait », utilisée par l'agence spécialisée Xerfi dans une étude de marché tout à fait sérieuse sur le stockage et l'incinération des ordures ? A Marseille, un juge d'instruction révèle que l'Italie n'a pas le monopole de la combinazione mafieuse. Ici ou là, quelques francs-tireurs s'arrachent les cheveux pour assurer la salubrité publique sans ruiner leurs administrés. Mais, curieusement, les techniciens et les syndicats d'élus protègent les ordures comme un trésor ou une maladie honteuse. Publiquement, le business des détritus ne sort pas des conclaves, si ce n'est lorsque des citoyens, écoeurés, parviennent à organiser le débat public dans les prétoires.

Ainsi, fin novembre à Albertville, le PDG du groupe Novergie, filiale de Suez Environnement, répondait de l'évacuation de dioxine par la cheminée de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère. Avant que le scandale ne les contraigne à fermer l'équipement défaillant en 2000, ni le préfet ni le syndicat intercommunal propriétaire de l'incinérateur n'avait sonné l'alerte. Ces deux acteurs clés du dossier, bien conseillés sans doute, ont d'ailleurs réussi à échapper au procès. Depuis, pouvoirs publics et opérateurs privés jurent que la filière se serait « professionnalisée ». De temps à autre, on peut encore trouver du caoutchouc dans une décharge d'Eure-et-Loir uniquement autorisée pour des gravats, ainsi que des tubes fluorescents non recyclés « oubliés » au fond d'un hangar. Mais ces entorses seraient, de l'avis général, « marginales » en France. Français. Vous pouvez jeter tranquilles !


Les déchets, pourquoi s'en débarrasser ? «Compliqué »... Ce mot utilisé à toutes les sauces est un must du secteur des déchets. Depuis la loi de 1992 jusqu'aux recommandations issues du « Grenelle de l'environnement », il est vrai que le métier a spectaculairement évolué. Le service de base consistait à mobiliser des éboueurs et un camion pour transporter des rebuts collectés à la porte d'une maison pour les balancer dans la décharge la plus proche. Aujourd'hui, « ferrailleur » se dit « valorisateur ». La filière commence avec le tri et mène à la production et à la vente d'énergie, en passant par le recyclage. A charge pour les élus de comparer les avantages et les inconvénients - pour la santé des citoyens et du point de vue des finances locales - de l'incinérateur, du centre d'enfouissement et de l'usine de méthanisation. Sans parler de la motorisation des bennes (gazole ou gaz naturel ?), de leur allure (qui commande l'usage de sacs ou de conteneurs !) et du meilleur itinéraire. Compliqué... Or, il s'ajoute une dimension sociale du même métal. Dans toutes les centrales syndicales, y compris la sage CFDT, la fédération qui coiffe la propreté fonctionne avec ses propres règles, rétive à l'autorité confédérale et jalouse de son indépendance financière... Dans le Marseille de l'après-guerre, Gaston Defferre manoeuvrait ses gars via le syndicat FO. A Paris, Chirac commandait les chefs maliens CGT qui distribuaient le boulot aux compatriotes. Aujourd'hui, ces relations viriles sont passées de mode. Nombre d'élus estiment moins risqué de laisser au privé le management à la schlague des types costauds, avec ou sans papiers mais toujours forts en gueule. « Les ripeurs, ces gars qui manipulent les poubelles, font un métier pénible et peuvent foutre un bordel monstre. Ils sont plus compliqués à manoeuvrer que les secrétaires et les gardiens de square », témoigne un maire UMP d'une grande ville du Centre. L'image des rats ripaillant dans les poubelles de Naples ou de Marseille hante les adjoints en charge de la propreté. S'ajoute un argument fiscal et électoral : quand le service est privatisé, la main-d'oeuvre sort des effectifs municipaux et n'est plus payée par l'impôt. Or, la taxe spécifique d'enlèvement des ordures ménagères est, paraît-il, mieux acceptée par les contribuables que la taxe foncière et la taxe d'habitation. Même si elle est en constante augmentation. Voilà donc pourquoi, après avoir arraché des compétences à l'Etat, les maires s'empressent de s'en décharger sur le privé... Curieusement, les techniciens et les syndicats d'élus protègent les ordures comme un trésor ou une maladie honteuse.

Evoque-t-on les travaux en 2007 du Conseil de la concurrence, qui éclairent de manière moins avantageuse les us et coutumes de ce curieux secteur, et voici les professionnels de la profession haussant encore les épaules : « 2007, c'est vieux... » Pourtant, cette année-là, dans une de ses rares incursions côté poubelles, cette juridiction analyse de l'intérieur le mécanisme des appels d'offres biaisés. Dans 10 communes de Seine-Maritime, les deux géants Veolia et Sita (groupe Suez Environnement) ont mutualisé leurs informations, se partageant ainsi 11 marchés représentant 25 millions d'euros « en fourchette basse ». Ayant été dénoncée dans un courrier anonyme, la directrice de l'agence Ecosita a reconnu avoir appelé le directeur technique de CPN (un faux nez de Veolia). Elle guignait la gestion d'une déchetterie et d'un parc de conteneurs dans le canton de Bolbec ; elle voulait « faire barrage à des non-professionnels » ; elle a tout simplement demandé à son cher confrère de « présenter une offre de couverture » ! C'est-à-dire un dossier bidon dans lequel il propose un prix volontairement excessif. Pourquoi se compliquer l'existence ? En échange, CPN a pu tranquillement récupérer, notamment, l'évacuation et le traitement des déchets ménagers du syndicat intercommunal de Montville. Face aux preuves confondantes, les directeurs des maisons mères ont dû jurer de « mettre un terme définitif à de telles pratiques sur l'ensemble du territoire national ». Ainsi attendri, le Conseil de la concurrence avait d'ailleurs minoré les amendes, ramenant les pénalités, par année d' « entente de répartition de marché », à 0,4 % du chiffre d'affaires des filiales concernées ! « Fausser la concurrence, ça peut valoir le coup », commentait alors, un brin écoeuré, le journaliste Olivier Guichardaz, qui a notamment dévoilé les micmacs d'Eco-Emballages et dégonflé la baudruche de la méthanisation...

Une collecte dans les rues de Paris. Les 25 millions de tonnes annuelles d'ordures ménagères tricolores représentent un chiffre d'affaires d'au moins 6 milliards d'euros.

« C'est un acte isolé que nous condamnons », regrette aujourd'hui Didier Imbert, directeur du développement de Sita France. « Une vieille histoire », ajoute-t-il. N'empêche qu'à l'époque des accidents identiques étaient signalés dans le Rhône, la Loire, l'Isère, la Haute-Loire et la Drôme... « La concurrence est très régulière dans nos contrats, elle est dans nos gènes », complète le même haut cadre, installé dans un bureau d'angle dominant Paris, au 35e étage d'une tour de la Défense. Curieuse concurrence pourtant : Esterra, l'entreprise qui collecte et retraite l'essentiel des déchets de la communauté urbaine de Lille, est la propriété conjointe des deux majors ! Imagine-t-on une telle alliance entre Pepsi et Coca, entre Sony et Nintendo, entre Nike et Puma ? Au siège de Veolia Propreté France, le président, Pascal Gauthier, éponge une goutte qui perle sur son front malgré la climatisation et hasarde une réponse : « Esterra est un cas isolé et historique. » Pas toujours gênés, néanmoins, les mêmes rivaux, qui trustent environ 54 % de l'ensemble du marché des déchets (et 80 % de la part conquise par les opérateurs privés, selon le Commissariat général au développement durable), se retrouvent au sein d'une efficace Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement. « Ce qui pose problème, c'est que l'administration travaille à partir de statistiques fournies par ces entreprises », relève Hélène Bourges, militante au sein du chétif Centre national d'information indépendante sur les déchets, le Cniid, qui aspire à faire contrepoids aux mastodontes.

Les centres pour enfouir les déchets dangereux sont chasse gardée. « Leur rentabilité dépasse 50 % ! » s'étrangle un indépendant.

Manifestement, les bonnes vieilles pratiques de l'époque du grand Yalta, quand la Compagnie générale des eaux et la Lyonnaise des eaux s'étaient partagé le territoire français, n'ont pas été totalement oubliées. Certes, Sita peut désormais s'aventurer en Bretagne et piquer Rennes à Veolia. A l'inverse, ce dernier a conquis Dijon. Néanmoins, décrypte l'agence Xerfi, « la concurrence tend à se renforcer sur le segment des ordures ménagères, mais dans les limites du raisonnable. Il suffit d'observer l'évolution des prix de facturation de ces services (et de la progression des marges des opérateurs) pour s'en convaincre ». Les chasses les plus giboyeuses demeurent bien gardées. Les centres d'enfouissement destinés à accueillir des déchets dangereux, tout particulièrement. « Leur rentabilité dépasse 50 % ! » s'étrangle un indépendant privé de ce fromage.

Soumission des élus locaux

Les deux géants ne sont d'ailleurs pas les seuls à se jouer de la concurrence. Dans le Var, par exemple, règne l'élégant Francis Pizzorno. Chef d'entreprise prévoyant, il a pris soin de racheter des parts de son concurrent principal sur la Côte d'Azur, et de nouer des relations capitalistiques avec Louis Nicollin, le remuant patron du Groupe Nicollin basé à Montpellier, réputé « indépendant » bien qu'un tiers de son empire appartienne à... Suez Environnement. Dès lors, un élu peut-il vraiment résister ? En 1995, quand Christian Martin reçoit l'écharpe de maire de Draguignan, il comprend vite que ce ne sont pas les élus qui mènent la danse. « Une semaine après mon élection, raconte cet énarque fabiusien, les gars de Pizzorno m'ont mis en condition : en grève, pendant une semaine, au prétexte que j'avais refusé de payer une prime pour les dimanches et les jours fériés ! Puis j'ai reçu une facture imprévue : Francis Pizzorno m'a affirmé que mon prédécesseur lui avait commandé une f lotte de motos-crottes, hors contrat et sans bon d'engagement. J'ai alors recherché un expert indépendant pour m'aider à remettre tout à plat, mais ils se sont tous défilés... »

Marseille en pleine grève des éboueurs. L'image des rats ripaillant dans les poubelles hante les élus en charge de la propreté...

Pragmatique, Christian Martin a fini par accepter de négocier, tant bien que mal, avec cet entrepreneur en veste noire à rayures blanches qui, possédant la principale décharge du département, impose sa loi à tous, préfet compris. « Comme il aime le vélo, Pizzorno a tout juste accepté de participer au financement du tour du haut Var », grince l'ex-élu, battu en 2001.

›Au cours des trente dernières années, le département du Var a collectionné les tempêtes politiques, enregistré la chute d'un parrain de gauche et d'un parrain de droite, Edouard Soldani et Maurice Arreckx, vécu l'assassinat de la députée Yann Piat, offert Toulon au Front national avant de le lui reprendre, sans entraver l'essor de Francis Pizzorno. Témoignage doux-amer de Jean-Pierre Hubert, patron d'Ourry, une entreprise basée en Seine-et-Marne : « A La Seyne-sur-Mer, on m'a annoncé que j'avais emporté le marché, mais vingt minutes plus tard on m'a fait comprendre que je ne l'avais plus. Je ne sais toujours pas ce qui a pu se passer dans cet intervalle... » Le parcours professionnel de cet ancien sous-préfet, un temps en charge de la propreté à la Mairie de Paris, l'a pourtant vacciné contre toute naïveté... Contacté par Marianne, Francis Pizzorno fait répondre que, « sachant les procès d'intention que suscite son nom italien, il préfère ne pas communiquer ».

Malgré un nom à la sonorité aristocratique, un autre indépendant qui monte, Daniel Derichebourg, n'a pas plus souhaité raconter à Marianne sa success story. Fils d'un récupérateur de la banlieue nord, Derichebourg claque désormais ses talons ferrés sur les parquets de l'hôtel Crillon, le palace de la Concorde où il prend ses quartiers parisiens et convie à sa table les élus auxquels il veut en mettre plein la vue. Pour abriter une fortune estimée à 254 millions d'euros, ce coriace a choisi la Belgique et sa fiscalité plus hospitalière. Son enrichissement est typique d'un univers où les polytechniciens à particule dansent avec des petites frappes, tandis que des énarques défroqués comme Matthieu Pigasse crédibilisent des pirates embourgeoisés pareillement chaussés. En effet, ce banquier en santiags est membre du conseil d'administration de Derichebourg.

Face à de tels personnages, les élus locaux sont dans leurs petits souliers. La mission qui leur incombe d'assurer la salubrité publique ressemble à un cauchemar.

Combien d'entre eux, comme c'est le cas dans la communauté de communes de la grande vallée de la Marne, imposent à leurs services techniques de contrôler le poids réel des ordures, si souvent mouillées avant de passer sur la balance ? Combien réclament des pénalités lorsque le contenu d'une poubelle, renversée, est abandonné sur la chaussée par des salariés pressés de terminer leur service pour... commencer leur deuxième journée de travail ? Si la distribution de l'eau a fini par émerger dans le débat politique, les ordures ménagères gênent aux entournures, comme les secrets de famille. Le socialiste jupitérien Henri Emmanuelli, en guerre contre les géants de l'eau dans son dépar-tement des Landes, est l'un des rares élus à dénoncer la « soumission volontaire » de certains éminents camarades. De nombreux autres, à l'instar du président de l'Assemblée des départements de France, élu des Côtes-d'Armor, s'en tiennent aux généralités. Quelques-uns, spécialistes réputés, chuchotent leur embarras : « Que des coups à prendre ! » Réplique d'un cadre de Veolia : « Pour les élus, surjouer l'incompétence ou l'impuissance est sans doute une manière d'échapper à leurs responsabilités. »


Face aux barons des ordures, les élus sont dans leurs petits souliers. Leur mission de salubrité publique relève du cauchemar.

A la tête du client...

Néanmoins, dans ce jeu de poker, les élus ne sont pas à armes égales avec leurs prestataires. Le réflexe, bien sûr, consiste à faire appel à un bureau d'études, chargé de formaliser les besoins et de rédiger le cahier des charges. Hélas, les ingénieurs propreté sont à l'image des experts des agences de notation dans le domaine financier : multicartes ! A l'exception de Service public 2000, aucun bureau d'études ne s'interdit de travailler pour les (riches) opérateurs. Techniquement justifiés ou bidons, ces travaux sont généreusement tarifés. Fatalement, le maintien en régie publique - et a fortiori le retour - de tout ou partie du traitement des ordures est toujours présenté comme... « compliqué » ! « Avant tout, il s'agit de neutraliser le bureau d'études », admet le patron d'une petite entreprise de taille nationale. L'argent liquide circule dans le monde merveilleux des ordures. Selon de multiples confidences, hélas anonymes, nombre de contrats avec des villes et des pays étrangers (Asie, Afrique, Moyen-Orient) sont réglés cash.

Sauve qui pue ! Tous les citoyens ne sont pas égaux devant le coût des ordures Comparer les performances des politiques de gestion des déchets ménagers aurait le mérite de traquer certaines facturations délirantes ; or, l'Etat s'y refuse. Révolté par cette passivité, un groupe de citoyens dégourdis a donc épluché la comptabilité de 160 groupements de communes (environ 20 millions d'habitants). Résultat de ce banc d'essai : le coût du traitement de 1 t de déchets (déchets triés plus ordures ménagères résiduelles) est quatre fois plus élevé dans le Sud Martinique qu'à Landivisiau ! Un écart inexplicable, sinon scandaleux. Tout aussi intrigante, la piètre performance du syndicat de communes de la vallée de Chevreuse, fief de la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet. Pour en savoir plus, consulter le site politicangels.com

Logiquement, les 25 millions de tonnes annuelles d'ordures ménagères tricolores devraient stimuler les diverses administrations en charge du contrôle de l'utilisation des deniers publics. Elles génèrent en effet un chiffre d'affaires au moins égal aux 5,95 milliards d'euros prélevés par les communes françaises sous la forme d'une taxe ou d'une redevance d'enlèvement des ordures ménagères. Le coût moyen par habitant (96 €) justifierait également des débats politiques fracassants. Or, « l'Etat ne joue pas son rôle de régulateur », tempête un haut fonctionnaire du ministère de l'Industrie. Un audit d'avril 2009, négligé par l'ex-ministre du Développement durable Jean-Louis Borloo, pointait ainsi la grande solitude des élus locaux, pris en tenaille entre les industriels de l'agroalimentaire qui rechignent à abonder le fonds Eco-Emballages et les industriels du recyclage fermes sur les prix. « Non seulement on ne connaît pas les coûts, mais on ne fait rien pour les connaître », s'énerve un inspecteur général des finances. « Il n'y a pas d'équivalent, en environnement, du corps des Mines ou des Ponts », poursuit-il, en rêvant, dans son jargon, de marchés « cost plus fee » qui permettraient d'auditer les comptes des géants opulents, comme cela se pratique dans le nucléaire. Qui plus est, le système des syndicats intercommunaux n'a pas stimulé la surveillance mutuelle des élus : invisibles sur les radars démocratiques (ceux de la presse, notamment), ces assemblées s'en remettent à quelques spécialistes épaulés par des services techniques, en pariant aveuglément sur le désintéressement absolu des uns et des autres. « Face à nous, on a de vrais acheteurs avec des techniciens de très haut niveau qui comparent », s'insurge tout de même Didier Imbert, directeur du développement de Sita France. A voir...

Le coût moyen par habitant (96 €) justifierait des débats politiques fracassants. Or, « l'Etat ne joue pas son rôle de régulateur ».

Dans une époque où l'argent public est pourtant rare, en effet, il n'existe pas d'indicateur national comparant le coût de 1 t d'ordure à Istres, à Sedan et à Angers. Sept ans après le rapport de la distinguée Cour des comptes ! Certes, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) travaille à une comptabilité unifiée, mais ses velléités peinent à se concrétiser. La libre administration des collectivités locales passerait par des normes comptables trop disparates pour permettre des comparaisons ! « Trop compliqué », se lamente Christian Militon, chef du service planification et observation des déchets de l'agence. Décidément... Ulcérés par cette coûteuse indolence, un aréopage de citoyens rassemblés sous la bannière « Politic Angels » a établi son propre benchmarking. François Lainée, l'un de ses porte-parole, nous a présenté l'appareil statistique, établi avec les outils mathématiques des cabinets d'audit et la ruse des outsiders. Tant sur le volume de déchets produits par habitant que sur le coût du service, les écarts pointés sont extravagants : de un à trois ! Pis, cette élasticité énormissime ne répond à aucune logique. Un même prestataire peut pratiquer des prix à la tête du client, sans le justifier par le volume traité, la densité démographique ou quelque autre critère objectif. « Nous estimons un potentiel d'amélioration de l'ordre de 7 à 12 %, soit une économie annuelle de 450 à 900 millions d'euros », conclut notre « angel », prêt à relever le défid'un débat ouvert avec les pouvoirs publics (voir encadré p. 64).

Une autre approche, idéologique celle-là, a conduit un fidèle de Jean-Luc Mélenchon, Gabriel Amard, à réclamer aussi davantage de transparence. Président d'une communauté d'agglomération de l'Essonne, il a ramené les poubelles dans le giron public, sans augmenter la facture de ses administrés - malgré un service meilleur. Mais cette démarche à contre-courant est isolée. Assumer les emprunts nécessaires aux investissements, objectivement lourds ? La majorité des collectivités locales préfèrent une méthode plus discrète, mais aussi plus onéreuse : le privé investit, mais sans risque puisqu'il est assuré de se refaire en gonflant les factures. « Dans le meilleur des cas, le consommateur de service paye à hauteur de l'économie réalisée par le contribuable », ironise Gabriel Amard.

Quelle déontologie ?

Le plus souvent, les entreprises qui gèrent les outils destinés au service public peuvent même les rentabiliser doublement. « Le matin, les bennes sont amorties grâce aux marchés publics, et, l'après-midi, les mêmes véhicules tournent pour les marchés privés, évacuant des déchets industriels. Et, pour une usine de traitement, c'est pareil », enrage encore Amard. Le service public se trouve renchéri ? Peut-être, mais la tranquillité n'a pas de prix ! « Je vous assure que les collectivités tirent des bénéfices de l'utilisation des outils qu'elles financent », se défend Pascal Gauthier, le président de Veolia Propreté France. Ce dernier n'a pas souhaité pour autant communiquer à Marianne les contrats rédigés par ces collectivités si exigeantes...

Avant de présider le conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini fut employé par Véolia... qui a racheté la société de son frère.

Le business se déploie ainsi, profitant de la répugnance des pouvoirs publics à assumer le sale boulot, tandis que les citoyens producteurs de déchets sont surtout pressés de s'en débarrasser. Mais les entreprises savent que leur professionnalisme - incontestable - ne suffit pas à pérenniser les rentes de situation. L'influence, la communication, le lobbying sont les adjuvants indispensables de leur compétence technique. Petites et grandes maisons sont donc aux petits soins pour leurs clients quasi captifs. Verser l'obole généreuse - quelques centaines d'euros pour un encart publicitaire dans le journal municipal ou plusieurs centaines de milliers pour un musée - aide à se rendre indispensable. Festivals de musique et compétitions sportives permettent de démontrer son « ancrage dans la vie locale » et d'obliger les notables et les journalistes en distribuant les invitations. « Pour les salariés de Sita Nord, c'est une fierté de savoir que leur entreprise sponsorise le club de football de Valenciennes », jure-t-on au siège de Suez Environnement. Récemment interrogé par le Midi libre sur son investissement dans le rugby, Louis Nicollin ne botte pas en touche. « Attendez, le rugby, je l'ai fait à Béziers, ça m'a coûté entre 2,5 et 3 millions d'euros. A Montpellier, on m'a demandé de mettre 600 000 €. » Qui ? « On va dire tout un conglomérat de personnes, répond-il en souriant. Le sport, ça ne te fait pas gagner un marché, mais ça te permet d'être reçu. Ça te donne un temps d'avance. » Contacté par Marianne pour évoquer sa carrière, jalonnée de coups d'éclat et de condamnations, Louis Nicollin fait savoir qu'il est « occupé pendant la semaine et ne reçoit pas le week-end ». Au-delà, une stratégie plus souterraine et plus efficace vise à créer une symbiose entre le monde des élus, de droite ou de gauche, et celui des firmes, notamment Veolia et Suez, qui gèrent, outre les déchets, l'eau, les transports et l'énergie. Cas d'école : avant d'être le puissant pré-sident du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini a été un petit élu employé par Veolia. Or, heureuse coïncidence, c'est encore Veolia qui a acheté la société de son frère Alexandre (plus de 33 millions d'euros, payés pour partie en liquide et à l'étranger). S'est ainsi créée entre l'ex-président Henri Proglio et la famille Guérini une relation d'amitié qui intéresse la justice... Décidément généreux, Veolia permet aussi à Dominique de Villepin de relever l'étendard du gaullisme, en lui confiant quelques missions discrètes à l'étranger.

A Paris, deux procédures polluent l'atmosphère Même à Paris, capitale autocélébrée de l'intégrité politique depuis que Bertrand Delanoë a chassé la clique chiraquienne de l'Hôtel de Ville, le climat est, parfois, pestilentiel. Dans un jugement du 14 mars 2008, le tribunal administratif a condamné la municipalité à verser à la société Epes la somme de 1 539 467 €. Qu'estce qui justifie une si lourde condamnation au titre des dommages et intérêts ? Concrètement, Epes a été victime d'une grossière erreur de calcul qui a permis à sa concurrente, la société Derichebourg, de décrocher, notamment, la collecte des encombrants. Or, le jour même de l'attribution, un des membres de la commission d'appel d'offres, l'UMP Jean-François Legaret, avait explicitement signalé par écrit : « On a tra-fiqué le rapport ; on a bidouillé la grille de notation et on a changé la note pour aboutir à une autre décision. » Tablant sur une impunité, l'exécutif socialiste a voulu passer en force... Le même jour, mais dans une seconde affaire, le même tribunal a accordé 530 288 € à la même société Epes. En cause, cette fois : la collecte des déchets ménagers pour les IIIe et IVe arrondissements. Or, Jean-Pierre Hubert, le patron d'Epes, a pu démontrer que les dés étaient pipés. Pour l'écarter du marché au profit de la société Nicollin, la Ville de Paris avait sorti de son chapeau, in extremis, un critère de choix technique supplémentaire : soudain, elle refusait par principe les bennes roulant au gazole ! A moitié serein, Bertrand Delanoë a fait appel de la première condamnation mais pas de la seconde. Favoritisme ? Corruption ? Une information judiciaire ouverte le 21 juin 2006 a débouché sur quatre mises en examen, dont celles de l'ex-présidente PS de la commission d'appel d'offres, Mireille Flam, et de l'ex-présidente de la société Derichebourg. La procédure pénale, ouverte en 2006, vient d'être transférée à un juge d'instruction lyonnais... Il devra démêler une pelote poisseuse où se croisent une femme en minijupe échancrée pour sensibiliser des élus, des basketteurs en quête de subvention, et cet avocat appointé comme agent d'influence, qui se déclare en état de démence, et que Delanoë dit être une connaissance... « furtive » ! Prudent, l'adjoint parisien à la propreté, François Dagnaud, s'est fixé une règle. « Lorsqu'un opérateur sollicite un rendez-vous, je ne le reçois jamais seul et je laisse la porte ouverte », confie l'élu, qui préside aussi le Syctom, le syndicat qui traite les ordures ménagères de 84 communes franciliennes. Dans ce milieu, les invitations ne sont jamais désintéressées et les incendies de véhicules, rarement accidentels...

Condamnée depuis 2002 par l'Europe, la décharge d'Entressen à 50 km de Marseille, fermée en mars 2010, est au coeur de la procédure judiciaire qui vise les frères Guérini.

De son côté, l'ex-Lyonnaise a, entre autre, salarié Monique Lang, épouse de Jack. Des toboggans permettent de glisser des cabinets ministériels vers les prestataires de services, et réciproquement, au risque de quelques cabrioles déontologiques. Sans rire, le président de Veolia Propreté France rétorque pourtant : « Si des citoyens qui s'investissent dans la vie associative ou municipale se retrouvent chez nous, c'est essentiellement en raison de l'engagement environnemental et territorial de Veolia. »

Ces superéboueurs saturent le paysage de leur dévotion écologique mais se drapent dans le secret industriel dès qu'ils sont mis en cause !

De telles motivations animent assurément l'ancien ministre François Léotard. Ex-maire de Fréjus, il avait signé avec Francis Pizzorno des contrats où la concurrence était, dixit la chambre régionale des comptes de Paca, « carrément dévoyée par le recours à des avenants modifiant la nature, l'étendue et le coût des prestations, bouleversant ainsi l'économie générale du marché ». Ayant renoncé à la politique, « Léo » a été intégré au conseil d'administration du Groupe Pizzorno Environnement et est devenu VRP de luxe pour l'Afrique... Autre indice de ces relations incestueuses : les mêmes communicants, à l'instar d'Euro RSCG, servent simultanément les intérêts publics et privés.

Ainsi chloroformées, certaines associations d'élus ne voient aucun mal à financer leur lobbying grâce au... lobbying des géants qu'ils font vivre. Sites Internet, congrès annuels, annuaires, colloques des grandes villes, des petites villes, des communautés de communes ou des départements : cette « com » serait plus modeste sans les publicités aux couleurs « développement durable » des superéboueurs. Bizarrement, ces entreprises qui saturent le paysage de leur dévotion écologiste se drapent volontiers dans le secret industriel dès qu'elles sont mises en cause !

Opacité commerciale...

Le secteur des ordures n'a donc pas fini de turbiner, comme une formidable usine à fantasmes. « Le secteur s'assainit, rassure pourtant Loïc Mahévas, directeur général du bureau d'études indépendant Service public 2000. Au fil des renouvellements de contrats, les anomalies sont peu à peu corrigées. » Ouf ! A la différence de la Campanie italienne, qui ne parvient pas à se défaire de l'emprise de la pieuvre mafieuse, la France serait donc en voie de banaliser son marché des ordures. On respire ! Hélas, compte tenu de l'opacité tolérée, voire maintenue, par les pouvoirs publics, nul ne peut déterminer de manière incontestable l'ampleur des survivances d'un passé prétendument révolu. Et, surtout, est-il saugrenu de poser cette question : comment le meilleur rapport coût-efficacité, qui requiert une certaine transparence, saurait-il s'accorder avec la quête du profit commercial, forcément opaque ?

DANIEL BERNARD